Slack est, en gros, une sorte d’espace de travail, soit privé soit public, où vous pouvez communiquer et collaborer sur un projet ou au sein d’une boîte.
Sans rentrer dans les détails, il y a des canaux de conversation ouverts qui parlent d’un sujet spécifique, où les intéressés (ou les autorisés) y participent, et puis sinon il y a des chats privés.
Alors dit comme ça, ça n’a pas l’air sexy, mais Slack c’est surtout la startup SAAS B2B qui a eu la croissance la plus rapide de l’histoire.
Un « SAAS » (Software As A Service) cela veut dire un logiciel de service distribué via le cloud et B2B est un acronyme pour « Business to Business », où les clients sont des professionnels, contrairement à B2C où il s’agit de particuliers.
Lancé publiquement en 2014, Slack est passé de 0 à 1 milliard de valuation en juste 8 mois. Aujourd’hui, coté en bourse et évalué à près de 16 milliards de dollars, Slack disposait en début d’année 2019 de plus de 10 millions d’utilisateurs actifs.
Le choix de cette métrique n’est pas anodin, car cette métrique est plus souvent utilisée dans le cadre du B2C, mais on en reparlera plus tard. La proportion d’utilisateurs payants est aussi hors norme atteint les 37% en 2018.
Ce succès énorme qui sert de modèle à toutes les startups n’est pas le fruit du hasard ; mais comment Slack a t-elle pu avoir une telle croissance ?
Des choix forts ont été faits, des stratégies marketing et de branding ont été élaborées pour atteindre cette croissance. L’avantage avec un produit numérique c’est que l’on peut facilement voir presque tout ce qui a été fait pour l’analyser et essayer de répliquer les meilleures leçons.
Et l’histoire commence par un échec. Slack est une entreprise américaine qui a été créée initialement par une société de jeux vidéo appelée Tiny Speck.
Stewart Butterfield et son équipe venaient de vendre Flickr à Yahoo et l’objectif était de développer le jeu vidéo Glitch lancé en 2009.
Afin de faciliter le travail d’équipe pour le développement du jeu, Ils ont décidé de créer leur propre outil de communication et de collaboration pour un usage interne.
L’outil s’est progressivement construit au fur et à mesure des besoins de l’équipe. Ayant des difficultés à monétiser le jeu, l’exploitation de Glitch est abandonnée en 2012 et c’est là que l’opportunité leur a sauté aux yeux.
Ayant encore du cash de leurs levées de fonds et gardant le noyaux dur de son équipe, Butterfield a entrepris le développement commercial de ce qu’il a appelé à ce moment là “A unique messaging technology”… qui deviendra Slack quelques mois après.
Nous avons donc à ce moment-là un produit qui a été construit brique par brique, feature par feature, par et pour une équipe majoritairement tech et design, répondant à des besoins clairement identifiés et exprimés.
Chaque brique, chaque feature étaient testées, améliorées dans un procédé naturellement le plus lean qui soit. Pour rappel, ce qu’on appelle le Lean Startup, est le concept initialement développé en 2008 par Eric Ries qui consiste à développer un produit avec l’aide des retours sincères (si possible) des retours utilisateurs.
Dans notre cas, les utilisateurs c’étaient les membres de l’équipe eux-mêmes. On pouvait donc être sûr d’avoir des retours sincères, et lorsqu’une feature était validée, être sûr qu’elle serait appréciée et utilisée.
Ils pouvaient par conséquent compter sur le fait que pour une cible identique, le produit rencontrerait le même type de succès. Il s’esquissait donc un beau Product Market Fit.
Alors, un Product Market Fit, c’est ce que l’on doit avoir avant de se lancer dans le marketing, en théorie ! J’ai fait une vidéo sur le sujet, cliquez sur l’image si vous voulez en savoir plus…
En gros, c’est votre produit qui touche sa bonne audience cible avec le bon message. L’alignement parfait des 3 éléments, et si vous n’avez bon qu’à 2 sur les 3, vous aurez 0 quand même. Cela ne marchera pas ☹️
Alors qu’est-ce qu’on a avec Slack ?
Premièrement, l’audience cible est donc toute désignée par la façon dont a été développé le produit. Il a été créé et customisé spécialement pour les communications internes d’une boîte tech de la Silicon Valley.
L’audience cible sera donc les boîtes tech, travaillant de la même façon que l’équipe de Tiny Speck.
Slack se limite à cette niche d’entreprise et n’essaie pas de toucher tous les secteurs et toutes les entreprises qui pourraient pourtant bénéficier de l’outil et en seraient ravis.
Une erreur encore très courante chez les primo-entrepreneurs : en voulant toucher tout le monde, on finit par ne toucher personne.
La niche est donc désignée et il est décidé de se consacrer exclusivement à la satisfaction de cette audience cible.
L’avantage avec une cible comme la scène tech de la Silicon Valley, c’est que le monde entier de la Tech étant constamment tourné vers la Silicon Valley, si un produit est adopté là-bas, vous pouvez toucher automatiquement tous les écosystèmes wannabe Silicon Valley avec un gros potentiel de développement derrière.
Deuxièmement, on a également (et cela a fait l’unanimité dès le début) un excellent produit , et c’est normal puisque c’est un produit qui a été peaufiné au maximum, qui est fluide, facile à utiliser, il n’y a pas de frictions.
Il n’y a pas non plus de frictions pour le prendre en main car il intègre très rapidement tous les autres outils de travail en collaboration.
Il permet de centraliser dans un même outil toutes les actions collaboratives. Ce qui élimine les distractions de switcher de Dropbox à Outlook ou encore à Gmail ou Drive.
Le produit est aussi pensé pour plaire visuellement à l’audience cible (des gens travaillant dans le secteur tech/startups) en plus de proposer toutes les intégrations avec les outils de développement, de gestion de projets, de graphisme etc… Il est donc important de proposer une expérience cool et différenciante.
On a un outil coloré et pas du tout austère comme peuvent l’être les autres outils B2B, et qui propose plein de petits détails qui font sourire. Comme la citation customisable de chargement par exemple.
L’intégration de Giphy à du être également une des priorités, vu l’appétence pour les gifs dans ce genre d’environnement.
Surtout Slack révolutionne les moyens de communication interne. Sur cet aspect il est aussi différenciant, voir complètement disruptif (sur certains points).
Avec ces éléments de différenciation, on distingue les problèmes principaux que tacle Slack en plus d’être un outil cool. La pénibilité qui se cache derrière et qui va nous aider à construire le message.
Troisièmement donc, le message. Slack est un business de type Vitamine, c’est-à-dire un produit qui améliore la vie, mais qui n’est pas une nécessité absolue.
Ce n’est pas un business de type Painkiller. Un business qui part d’une vraie pénibilité que les gens cherche à faire disparaître.
J’ai fait une vidéo sur les 3 types de business caricaturaux, Painkiller, Vitamine et Candy :
Pour vendre des vitamines donc, il faut essayer de faire augmenter la valeur perçue du produit par rapport à la valeur réelle.
Slack va donc proposer une Vitamine qui rend le travail cool et fun, qui permet d’enfin réaliser des choses simplement, mais pas n’importe quelles choses, des choses grandioses, hors du commun.
C’est la vie avec Slack qui va être sublimée. Oui ! parce qu’on ne vend pas juste un produit, on vend la vie qui va avec. Une vie plus cool, une vie plus fun, plus colorée, avec des pubs à la limite du fantastique qui donne toujours un peu le sourire.
Comme cette autre vidéo qui a eu énormément de buzz, où on voit une diversité d’animaux collaborer grâce à Slack, et finalement réussir à résoudre un problème majeur.
Tout est fait pour faire augmenter cette valeur perçue dans le message, en insistant aussi sur le caractère exceptionnel de ce qu’on peut réaliser avec Slack. Comme cette fameuse value proposition qui est restée un moment sur le site : “the messaging app for teams who put robot on mars” ⇒ “l’app de messagerie pour les équipes qui mettent des robots sur mars”.
Un message éminemment très différenciant dans le B2B à ce moment-là.
Tous ces éléments de communication qui résonnent parfaitement au sein des équipes Tech et ambiance Startup. Des éléments de communication dans le message qui se retrouvent aussi dans l’expérience du produit, et même jusqu’au service relation client qui n’hésite pas à répondre aux clients avec des blagues ou des Gifs.
Voilà le message, cependant Slack va faire passer un autre message pour se lancer. L’idée de Slack, en tant que business Vitamine, c’est de se déguiser en business Painkiller.
Pour se rendre plus désirable, parce qu’une Vitamine c’est bien, mais c’est plus dur à vendre qu’un Painkiller. Si le produit répond à une vraie pénibilité c’est beaucoup mieux pour la puissance du message.
Le timing va jouer en faveur de Slack. En 2013, on est au pic de l’usage des emails dans les entreprises, même quand on a rien fait on est en copie de copie d’email, cela ne s’arrête pas, et traiter ses emails devient un temps non négligeable de la journée.
Pareil pour les réunions. Une vraie source de frustration. Slack va donc utiliser ces pénibilités dans son message pour se déguiser en Business de type Painkiller et ils vont choisir une seule pénibilité en particulier et l’attaquer de front, et à fond : l’email. Le premier message sera tout simplement “Salut, on est l’email killer”, les relations presse aidant à la diffusion.
Avec l’aide des journalistes qui raffolent toujours de ce genre de titres. Un message plus clivant tu meurs, plus galvanisant pour ceux qui ressentent cette frustration lié à l’email, il n’y pas. Pour accrocher ses premiers fans, c’est l’idéal.
Un startup française, qui s’appelait Bunkr, avait essayé d’installer à cette même époque le “powerpoint Killer” (je ne sais pas si c’était inspiré de Slack ou pas, je suppose !).
Cela a periclité depuis, mais au lancement ils avaient eu un gros buzz, et une base de fans radicaux qui les suivaient et payaient un produit pourtant pas au point, juste sur la proposition de valeur.
Pour Slack, cette proposition de valeur à eu l’effet voulu à un moment précis, un message qui a particulièrement été bien reçu dans le secteur de la Tech.
Un secteur toujours sensible aux dernières innovations, avec un goût prononcé pour la disruption, et à qui l’idée d’attaquer les outils représentant l’entreprise traditionnel plaît particulièrement.
Un Product Market Fit donc bien cohérent.
De ce Product Market Fit, on peut esquisser le MVB simple et incisif établi par Slack pour se lancer.
Le MVB, c’est le Minimum Viable Brand, un outil qui permet à des business naissants de ne pas partir dans tous les sens dans leur communication et de créer une marque cohérente et identifiable sur le marché.
Ce qui leur donnera une structure, fournissant une roadmap marketing et même des orientations dans le développement du produit.
Le MVB part des Valeurs souvent portés par les fondateurs.
Pour Slack il s’agit :
Pour un MVB, il faut désigner ses Ennemis :
Pour combattre ses ennemis, il faut choisir des Armes (ici c’est simple !) :
Pour un MVB on détermine également une Mission :
Pour un MVB on détermine une Vision :
Bref, un MVB a une Personnalité (donc une tonalité et un style propre) qui est venu directement des valeurs des fondateurs : Fun– Chaleureux– Proximité
Enfin un dernier point, sûrement l’un des plus important : le bénéfice émotionnel pour l’utilisateur. C’est l’inclusion sociale et la légèreté des communications.
Se sentir plus connecté avec les autres membres de son équipe dans un environnement simple, familier et chaleureux.
Dans les faits, peu de startups peuvent s’accorder le luxe d’avoir une stratégie de lancement. Justement parce que bien souvent, on se lance le plus vite possible pour pouvoir trouver son Product Market Fit.
Habituellement quand on me parle de stratégie de lancement, je conseille toujours de laisser tomber.
Pour Slack, cela a été différent : ils avaient déjà leur Product Market fit, avaient les moyens de soutenir leur stratégie de lancement, et avaient assez de crédibilité, par leur expérience Flickr, pour être pris au sérieux.
Ils ont donc pu mettre en place une stratégie disruptive, qui à défaut de pouvoir être répliquée à l’identique, peut donner des pistes de réflexion très intéressantes.
Il semble d’ailleurs que Slack ait décidé d’avoir une approche disruptive dans tous les secteurs.
D’abord dans le produit comme on l’a vu, mais aussi dans tous les aspects de ce qu’on appelle le Go To Market, autrement dit, la façon d’amener son offre sur le marché.
Slack a tout simplement pris le contre pied de tout ce que faisait une boite B2B classique.
Premièrement, ce que ferait une boite classique B2B (en particulier dans la Silicon Valley) c’est d’embaucher des commerciaux pour aller vendre le produit auprès des décideurs responsables des choix de logiciels d’entreprise.
Slack a décidé de n’embaucher aucun commercial. Les utilisateurs de Slack étant transverse, c’est à dire potentiellement n’importe quel membre d’une boite : des devs, du département marketing, des graphistes, la cible du message c’est eux, pas le décideur.
Le pari est que si l’on donne envie aux employés d’utiliser Slack, ils vont en parler autour d’eux et faire remonter la possibilité d’utiliser cet outil.
Ce qui explique que dans la niche employés de startup, Slack n’a pas établi de Buyer personas, c’est-à-dire, pas de clients types en fonction des différents cas d’usage du produit. Ce qui se fait habituellement.
Étant un outil trop transverse, il aurait fallu établir 50 Buyer personas différentes. Le designer qui a telle problématique spécifique, le dev qui travaille de telle façon et rencontre tel problème, etc…
Avec 50 messages différents, et d’autant plus de landing pages, les fameux funnels classiques dans le B2B, où on s’adresse à un Buyer persona avec son problème spécifique sur une page dédiée.
Pour Slack, ce ne sera pas ça du tout !
Ils ont dû fédérer tous ces différents profils autour d’une promesse suffisamment forte pour attirer les premiers utilisateurs, les faire tester, les aider à comprendre la valeur ajoutée, pour leur donner envie de recommander le produit, d’en parler autour d’eux, de pousser pour le faire adopter dans leurs boites.
Cette promesse a donc été basée sur une pénibilité commune à tous : l’email, et c’est exclusivement sur cet élément que Slack a communiqué dans un premier temps, en faisant des Relations Presse. La renommée de Butterfield aidant indéniablement, ce message a évidemment été diffusé dans des médias consultés par l’audience cible.
Slack c’est l’email killer.
Histoire d’avoir un truc immédiatement identifiable, clivant et accrocheur : ce qu’on appelle le Hook : l’accroche. Le truc dont on se rappelle “c’est quoi Slack ? c’est l’email killer”.
Forcément, cela attire fortement l’attention, ce qui commence à bien faire monter la hype autour de Slack.
Deuxièmement, si vous étiez un employé de la tech intrigué à ce moment-là, vous vous rendiez sur le site pour l’essayer, et là, surprise ! Vous ne pouvez pas et vous pouvez uniquement vous inscrire sur une liste d’attente pour, peut être, obtenir une invitation.
Très malin 😉
Raréfier l’offre pour la rendre plus désirable. La rendre très difficile d’accès, pour jouer sur les biais psychologiques, ainsi la tension et l’intérêt augmentent, et la hype monte encore d’un cran.
Ceux qui réussissent à avoir l’invitation ont un sentiment d’exclusivité, d’appartenir à une communauté d’élus. Il y a une explosion de la valeur perçue. Nul doute qu’au moment de tester le produit avec déjà un biais positif, les impression positives seront décuplées.
On appelle cela l’effet de Halo. Celui-ci se produit quand la perception d’une chose est influencée par l’opinion que l’on a préalablement à son propos. Ce fut bien sûr le cas pour Slack, et le bouche à oreille a explosé. La hype autour de Slack était au top.
Le client email Superhuman a repris cette stratégie récemment mais en la poussant encore plus loin, j’en parle dans ma vidéo sur l’onboarding si cela vous dit :
L’autre avantage des invitations, c’est de maîtriser qui va utiliser le produit, afin de s’assurer que celui-ci est bien dans le Product Market Fit, et que son feedback nous intéresse.
Oui, parce que si vous recevez des feedbacks sur votre produit de la part de gens qui ne sont pas dans votre audience cible, ils n’ont juste aucune valeur.
Autre différence importante, le business model. Slack propose un modèle Freemium, c’est à dire en gros que vous pouvez l’utiliser gratuitement dans une certaine limite, et pour accéder à toutes les fonctionnalités il faut payer.
Le modèle freemium était plutôt utilisé dans le B2C. Ce que font les SAAS habituellement, c’est plutôt de proposer une période d’essai, puis de bloquer les fonctionnalités une fois arrivé à expiration de la période.
Pour les services qui proposent un modèle freemium, il est question de limiter les capacités d’utilisation, par exemple un ou deux utilisateurs, mais pas plus, un nombre limité d’actions, etc… Restreindre l’usage… l’idée est de jouer sur la frustration pour faire payer.
Slack a décidé d’être également disruptif dans l’utilisation de ce modèle, puisque si vous installez Slack, tout est gratuit : nombre d’employés illimités, accès à toutes les fonctionnalités… L’idée est de ne pas prendre les gens en otage pour ne pas créer de la frustration et du ressentiment.
Une seule chose se passe : au-delà 10 000 messages échangés, ceux-ci ne sont plus accessibles. Si vous voulez donc retrouver un vieux message, il faudra payer pour accéder aux archives, mais dans l’utilisation du produit au jour le jour, aucune friction n’est perçue.
La limite est glissante, ce qui fait que ce n’est jamais vraiment bloquant, ils ne conservent juste pas les anciens messages.
D’un côté cela peut paraître aussi un peu vicieux car si vous adoptez Slack et que tout le monde l’utilise et l’aime dans la boite, il y a forcément un moment ou vous aurez besoin de retrouver une ancienne conversation, un document échangé que vous n’aviez pas gardé, etc…
Ce n’est qu’une question de temps avant que ce moment n’arrive, période que l’on passe généralement dans la plus grande insouciance et normalement si vous arrivez à ce stade c’est que vous êtes déjà dépendant de l’outil.
Le gros avantage du freemium dans le cas Slack, c’est de ne mettre aucune friction dans l’expérience utilisateur. Ce qui colle avec la promesse de Slack, qui a par la suite ajouté de la complexité, avec des features bonus, mais c’est venu bien plus tard.
Enfin, Slack a décidé d’attaquer le sujet du pricing avec un angle disruptif également. Slack fait payer un abonnement mensuel par utilisateur. Ils auraient pu s’arrêter là, mais ils ont instauré le “Fair Pricing”.
Qu’est que c’est le Fair Pricing ?
Et bien, si un utilisateur n’est pas actif, pendant une période donnée, il est considéré comme inactif, et le montant de son abonnement est remboursé. Une initiative inédite, qui n’a pas manqué de faire parler, notamment sur les réseaux sociaux, apportant encore un peu de hype.
Une initiative qui colle aussi très bien avec les valeurs chaleureuses et de proximité.
On peut donc constater une vraie volonté de faire les choses différemment des autres, sur chaque aspect du Go To Market, pour marquer sa singularité.
Maintenant on va se pencher sur ce qu’a fait Slack concrètement en matière de marketing et de Growth Hacking. Pour modéliser la croissance d’une activité, on utilise le framework AARRR, qui veut dire : Acquisition, Activation, Rétention, Referral, Revenue.
– Acquisition, l’utilisateur arrive
– Activation il comprend la valeur ajoutée du produit
– Rétention, il reste
– Referral, il le recommande
– Revenue, l’argent rentre !
J’ai fait une vidéo spécifique sur le sujet AARRR.
Alors tout d’abord que fait Slack en termes d’Acquisition ?
On a donc vu que contrairement à tous les autres SAAS B2B, ils n’ont pas d’équipe sales dans les premières années, et ce au moins jusqu’en 2016. Chose jamais vue dans le B2B à l’époque.
Ce qui va forcément les bloquer à un moment s’ils souhaitent faire signer des grosses entreprises comme clients. En attendant, ils ont commencé comme on l’a vu précédemment, par faire des Relations Presse, ce qui a été capital dans leur stratégie de lancement.
Il a été fait pas mal de content marketing également. Utilisant leur blog ainsi que Medium, cette plateforme de blogging très prisée par le monde de la Tech, où la viralité est importante.
Ils l’utilisent afin de raconter notamment l’évolution du produit, les coulisses et faire comprendre leur valeurs. Des articles toujours très partagés et relayés.
Le blog produit aussi du contenu avec un objectif d’acquisition en référencement. En produisant du contenu sur des sujets connexes, comme la productivité par exemple.
On remarque qu’en ce moment le blog se place à la deuxième position sur le mot-clé “collaborative leadership” ou encore en deuxième position sur le mots-clé “collaboration in the workplace”, toutefois ils n’en n’ont pas fait tant que cela, ce point ne semblait pas être l’objectif premier du blog.
Donc pour Slack, une grosse part du trafic organique de leur site provient tout de même des recherches concernant les outils qui sont intégrés à Slack, et ce trafic arrive sur des landing pages dédiées du site Slack.
Les outils en question sont Google Drive, Trello, Jira, etc… Des outils de travail collaboratif. Slack a clairement établi une stratégie SEO en proposant pour chacun de ces outils une landing page, comme pour Google Drive : c’est cette page qui sera référencée, amenant un trafic conséquent d’une audience supposée proche de pouvoir utiliser Slack.
Ils ont été également parmi les premiers à utiliser les podcasts. D’abord en créant leurs propres podcasts, technique très utilisée aujourd’hui, mais inédite à l’époque. The Slack Variety Pack puis Work in progress…
Puis en sponsorisant un bon paquet de podcasts avec la même audience cible. C’est-à-dire que dans un épisode, l’hôte du podcast tournait le sujet autour Slack, expliquant à quel point c’était cool, ce que les podcasteurs faisaient de très bon coeur, vu la hype autour du produit.
Et le podcast n’a pas été choisi par hasard. D’après Bill Macaitis, l’ancien CMO de Slack, il était important d’investir dans le podcast parce que “si vous étiez à l’époque une adepte du podcast, il y avait une bonne chance que vous soyez un early adopter, c’est à dire le genre de personne toujours prompt à essayer des nouvelles choses »
Enfin Slack a volontiers plongé dans la publicité, y voyant un canal d’acquisition prévisible en termes de ROI (retour sur investissement).
Slack commence par de la pub display, à travers les régies publicitaires comme bien sûr Google mais surtout Buysellads et Carbon Ads.
En regardant d’un peu plus près ce que proposent ces régies publicitaires, on peut voir que Carbon Ads est une régie spécialisée dans la niche des développeurs et designers. Ils se servent d’ailleurs de Slack sur leur homepage comme exemple de clients.
La régie Buysellads, quant à elle un peu plus large, propose les niches Business, design, développement, etc… mais cela reste pour les mêmes raisons que Slack les sollicite.
Ces deux régies, qui ont d’ailleurs fusionnées récemment, placent donc des publicités sur des sites visités par l’audience cible de Slack. Ils ont aussi fait pas mal de publicité sur Facebook, et même hors ligne : à la TV avec les vidéos fantastiques dont on a parlé comme celle avec les animaux ; dans la presse ; sur les quatre par trois dans la rue.
Dans chacune de ces campagnes Marketing, Slack insiste sur les bénéfices du produit pour l’utilisateur et sur l’aspect émotionnel : on vend la vie qui va avec, une vie enchantée !
En ce qui concerne l’Activation, celle-ci se passe au cours de l’Onboarding, c’est-à-dire, le processus de guidage et d’accompagnement des nouveaux utilisateurs.
On a ici un Onboarding des plus fluides et très explicite, avec des animations pour faire comprendre rapidement le fonctionnement du produit de manière ludique.
On vous demande tout d’abord le nom du projet. Ensuite on vous demande de créer un canal dans l’espace de travail que vous venez de créer, et pour finir on vous demande d’inviter les premiers autres partenaires.
Non seulement à la fin de cet onboarding, on a compris comment le produit fonctionne, mais en bonus on est déjà en train de faire des recommandations auprès de ses collègues. Soit, faire du Referral.
Ce taux d’activation dépend bien-sûr davantage du produit que de l’onboarding pur. Dans le cas de Slack, la qualité jouant évidemment, c’est le modèle Freemium plus précisément qui est la clé de l‘activation.
Slack n’est pas limité en nombre de personnes, ni en temps, comme tous les autres SAAS. Les utilisateurs récupèrent de la valeur très rapidement dans leur expérience.
Pour la Rétention, cela passe bien-sûr en priorité par la qualité du produit.
Afin de rendre le produit un peu plus “sticky”, l’idée étant de placer Slack au centre de toutes les collaborations professionnelles, l’équipe de Slack a compris que la seule chose qui pourrait faire sortir les utilisateurs de Slack, c’est le besoin d’utiliser un autre outil qui ne serait pas intégré à Slack.
La priorité a donc été de fournir toutes les intégrations possibles avec les outils existants et utilisés par l’audience cible. Afin que les utilisateurs puissent continuer à utiliser les autres outils sans quitter Slack.
Les deux autres points clés de la Rétention de Slack sont le support et l’apport constant de nouvelles features.
Les nouvelles features qui arrivent régulièrement dans l’outil Slack et qui maintiennent l’intérêt des utilisateurs sur l’évolution du produit, des features, comme les Slack bots, les visioconférences, l’intelligence artificielle, etc…
Et évidemment le support : Slack propose un support 5 étoiles. Dès qu’un utilisateur a un problème, celui-ci est transformé en bonne expérience. L’équipe support n’est surtout pas externalisée, ni ne comporte des tickets qui traînent deux semaines, et en plus comme on l’a vu, les réponses du support données sur le fil Twitter sont cool et fun 🙂
Bien-sûr, ce support à un coût, mais que fait un utilisateur dont le problème a été résolu rapidement par des gens cool et fun ? Il recommande le produit.
On en vient donc au Referral, la recommandation.
L’étape du framework la plus précieuse pour Slack dans sa croissance organique, c’est clairement ce point qui a été priorisé et pensé en amont, dixit, l’ancien CMO Bill Macaitis : « l’objectif de l’équipe n’était pas que les gens achètent le produit, ni la rétention, non, l’objectif c’était le Referral ».
Un objectif qu’il définissait comme forcément plus dur à atteindre, mais qu’une fois posé comme tel, façonnait différemment toutes les tactiques et stratégies utilisées, et on le comprend facilement, car on travaille toujours en fonction d’un objectif. Si l’objectif de tout le monde chez Slack, du dev au marketeur, en passant par le designer, c’est le Referral, les choix seront différents pour atteindre cet objectif.
Si vous voulez en savoir plus, il y a une vidéo de Bill qui nous parle de tout ça. Une vidéo super qui est sur Youtube depuis 2018 et qui totalise 20 vues (dont la moitié vient de moi). Je vous encourage à la regarder !
Maintenant qu’on sait cela, voyons comment l’objectif Referral a été mis en œuvre :
Premièrement, la hype autour du Go To Market que l’on a détaillée a placé Slack dans la catégorie des produits hautement désirables, favorisant le bouche à oreille.
Deuxièmement, le Product Market Fit peaufiné au maximum a permis de livrer un produit dont la qualité était telle que le Referral se faisait naturellement. La preuve ultime d’un Product Market Fit étant bien entendu, dans tous les cas, le Referral.
Troisièmement, le parti pris d’être différent des autres boites B2B à la moindre occasion, est également vecteur de Referral, on peut reprendre l’exemple du “fair pricing” qui a provoqué énormément de posts élogieux sur les réseaux sociaux.
C’est de ce genre de différences, parmi plein d’autres raisons, qu’est né le Wall of love de Slack sur Twitter. Le mur Twitter de tous les gens encensant Slack. En terme de Referral, on est pas mal 😉
L’autre élément qui a joué dans le Referral de Slack vient du produit en lui-même, mais pas de sa qualité, plutôt de son mode de fonctionnement, car c’est un mode multi-joueurs.
Comme on l’a vu dans l’Onboarding, il faut être plusieurs pour utiliser Slack. Si vous arrivez donc à susciter l’intérêt d’un seul utilisateur, il sera obligé de ramener d’autres gens. Le Referral se place rapidement dans l’expérience.
Cela peut d’ailleurs faire partie de la stratégie au moment de faire des choix produit. Par exemple, pour les éditeurs de jeux sur console à l’époque ou le jeu en réseau n’existait pas, la question était très présente. Faut-il faire un jeu qui se joue seul ? ou bien, un jeu clairement orienté pour le multi-joueurs ?
D’un point de vue marketing, dans le second cas, le Referral se fait beaucoup plus naturellement. Si vous voulez jouer à Mario kart ou Fifa en mode multiplayer, il faut bien trouver d’autres gens.
Un avantage structurel donc pour Slack qui sera évidemment poussé constamment avec ces rappels constants pour inviter d’autres personnes dans le produit, ou encore dans les scénarios d’emailing.
Chaque effort fourni pour acquérir un utilisateur, le faire adhérer à la com’ et à la mission, le faire devenir fan, sera bénéfique pour le Referral en aval.
Enfin, dans cette stratégie de Referral, Slack a surtout utilisé un outil précis pour mesurer, et par conséquent, faire augmenter la qualité du Referral: le NPS (pour Net Promoter Score), il s’agit d’un indicateur de la probabilité de recommandation d’un produit. Il est calculé d’après les réponses à la question « Quelle est la probabilité que vous recommandiez Slack ?»
Cet outil est utilisé dans beaucoup de boites SAAS, mais encore une fois la façon dont Slack l’a utilisée a été disruptive.
Au lieu de demander aux décideurs comme le CEO son avis général sur l’utilisation de l’outil dans sa société. Ce qui se faisait habituellement en B2B. Après chaque interaction entre chaque utilisateur et Slack est calculé un NPS.
Pour Slack l’enjeu du Referral se passe à chaque instant et il est individuel.
La croissance extraordinaire de Slack est donc venu de son Referral. Un Referral qui était l’objectif et qui a alimenté une boucle de croissance virale.
De nos jours, Slack joue à un tout autre jeu.
Après avoir clairement pris le marché sur l’audience cible des boîtes Tech dans la Silicon Valley et dans pas mal d’autres pays.
Slack a commencé à lorgner sur les autres secteurs d’activité et a décidé d’élargir la cible.
Un élargissement nécessaire car à la vue de cette croissance, la concurrence a fleuri, des Startups qui attaquent des niches particulières ou des pays, comme Discord avec les gamers ou encore Flock en Inde.
Notamment les géants comme Google et Microsoft qui ont lancé des produit concurrents, comme Microsoft Teams, avec pour objectif de s’imposer dans le monde du travail dans des secteurs où Slack était encore inconnu.
Rester dans sa niche est donc très dangereux. Si Slack ne veut pas qu’un autre outil devienne incontournable, leur bloque les possibilités de croissance ou même pire, vienne les laminer sur leur propre niche. Slack devient donc désormais plus mainstream.
Le fantastique à laissé place à un message généraliste sur la simplification du travail. Désormais c’est avec des sales que Slack essaie de faire signer de grosses entreprises.
De ce fait, pour faire face à cette concurrence, Slack rachète d’autres outils de communications pour gagner des parts de marché, faire barrage à Microsoft. Vous avez compris, ce n’est plus du tout le même game, et forcément cela nous intéresse beaucoup moins !
Pour conclure, je suis bien conscient qu’il est très facile d’expliquer un succès à posteriori, c’est beaucoup plus dur de le construire brique par brique.
Cette analyse de la croissance de Slack nous permet tout de même d’entrevoir les différentes clés de compréhension de cette réussite et d’en tirer 4 enseignements simples.
Ces enseignements ne sont pas forcément réplicables à l’identique car il y a aussi les questions primordiales du timing et du marché, mais si cela peut vous apporter des pistes de réflexion et voir votre business sous un autre angle avec plus de recul, c’est déjà ça de gagné 😉
Premièrement déjà avec Slack les choses ont été faites dans l’ordre, d’abord avoir un Product Market Fit et puis ensuite le marketing. Ce qui évite déjà l’erreur la plus courante des entrepreneurs. Si vous n’avez pas de Product Market Fit vous devez juste faire l’acquisition minimum pour avoir un flux suffisant d’utilisateurs ou de clients afin de trouver ce Product Market Fit.
Slack a eu l’avantage concurrentiel d’avoir un Product Market Fit facilité. L’audience cible, c’était eux-mêmes, donc ils étaient beaucoup plus à même de savoir quel message les touchait le plus.
Pour Slack restait donc le produit, et on peut dire que pour la qualité, ils ont mis le paquet ! En étant en permanence obsédés par la satisfaction client.
Le terme c’est User-Centric, tout pour satisfaire l’utilisateur. Si celui-ci est dans le Product Market Fit, attention ! Si vous êtes vous-même la cible, vous trouverez plus facilement le message et si vous êtes User Centric, le Product Market Fit est en bonne voie.
Deuxièmement, Slack a choisi d’être audacieux, radical dans ses choix : disruptif. A chaque fois qu’il fallait faire un choix, ils ont toujours cherché à ne pas faire comme les autres. “Pas comme eux”, comme PNL. et c’est quand même une constante dans tous les grands succès.
Dans tous les aspects du Go To Market, dans les choix de branding, dans le marketing et le choix des canaux d’acquisition, pas de sales, premiers sur les podcasts, des pubs tv, etc…
Si Slack voyait les autres faire quelque chose, ils allaient dans une autre direction, et ces choix étaient finalement obligatoires vu le modèle de croissance qu’ils s’étaient fixé comme objectif.
Troisièmement l’objectif Referral :
– Si c’est le Referral votre objectif, vous avez intérêt à proposer quelque chose d’hors du commun. Comment voulez-vous déclencher ce genre de dynamique si vous avez les mêmes méthodes et la même tête que tout le monde dans votre secteur d’activité ?
– Si c’est le Referral votre objectif, il faut le communiquer à tout le monde dans l’équipe pour que tout le monde est la même direction, parce que du coup cela modifie les comportements et les actions de chacun, et quand vous regardez le framework AARRR, ce n’est pas le Revenue qui vous intéresse mais l’étape Referral.– Si c’est le Referral votre objectif, vous devez avoir une marque très forte, pour créer une connexion émotionnelle avec ses utilisateurs, vendre les valeurs, la vie qui va avec, fédérer une communauté contre un ennemi commun. Il y a d’abord eu les emails particulièrement et puis par la suite, le monde austère et plein de friction de l’entreprise. Comprendre le bénéfice émotionnel de l’utilisateur, le “Pourquoi ?”.
Donc comme on l’a vu ici, l’inclusion sociale dans son entreprise et aussi dans un écosystème, leur proposer un environnement de travail simple, familier et chaleureux. Encore une fois il y a un petit côté régressif, il est question de se rassurer. Un bon MVB ! Je dis ça parce que la majorité des startups que je vois passer n’ont jamais fait ce travail, exactement comme moi je ne l’avais pas fait dans mes expériences en startup.
Si vous avez un bon MVB, toutes vos actions seront facilitées, et à chaque fois que vous fournirez un effort, celui-ci donnera bien plus de résultats. On parle souvent de Growth, mais ce n’est qu’un accélérateur.
Chaque boite est différente, certains ont plus besoin de branding, d’autres ont plus besoin de Growth mais en aucun cas vous pourrez avoir des bons résultats durables en Growth sans la partie branding.
De plus si vous n’avez pas de personnalité, quelle différence reste t-il entre vous et quelqu’un qui copierait votre idée et votre produit fonctionnellement ? Aucune barrière à l’entrée, donc votre position ne sera pas tenable.
Enfin si votre objectif est le Referral, vous feriez bien de savoir si vos utilisateurs sont satisfaits à chaque moment de leur expérience. D’ou l’utilisation enorme des NPS pour mesurer cela. L’ancien CMO Bill insiste sur le fait que « Chaque CEO devrait savoir quels sont les 3 principales raison pour lesquelles leur marque est recommandé ».
Quatrièmement, l’enseignement, ne pas rester cloisonné dans les méthodes habituelles de son secteur d’activité, et ici je fais référence à l’utilisation de méthodes B2C par Slack.
Slack a inventé un nouveau modèle le B2C2B, comprenez du B2C, donc s’adresser à des particuliers mais en tant qu’intermédiaire pour finalement toucher l’entreprise derrière +B, B2C2B donc ceux qui sont visés par le marketing de Slack ce sont les individus, pas l’entreprise et pour un individu, il faut essayer de deviner c’est quoi son bénéfice personnel.
D’où le branding émotionnel, la croissance organique comme un produit consommateur, le Referral poussé avec des « invite a friend » comme sur un réseau social finalement. Les codes de B2C empruntés pour le B2B, en ça Slack a sonné la fin du B2B à la papa, avec ses commerciaux, ses cravates, et ses photos stocks, etc..